Une personne nous a un jour interpellé sur notre organisation opale, et la place de la bienveillance dans nos rapports au travail “Ça a l’air idéal ce que vous nous peignez là, mais à force de bienveillance, arrivez-vous à être efficace dans vos actions ? Où avez-vous peur de vous dire les choses quand ça ne va pas ?”. Et si tous les conflits pouvaient se régler grâce à 3 petites lettres : CNV.

Notre langage façonne nos relations

On connaît tous les conflits en entreprise, et Hellipse n’échappe pas à la règle. Comment dire à notre collègue qu’il a tort, ou qu’il fait mal les choses ? Comment lui exposer le problème, sans empirer les relations et donc notre bien-être au travail ? C’est loin d’être un exercice facile. Et si j’utilise le terme exercice, c’est pour une bonne raison : Le langage non-violent, est une gymnastique qui ne nous est pas habituelle. Et notez bien que j’utilise « habituelle » et non « naturelle ». C’est Marshall Rosenberg, le créateur d’un processus de communication appelé « Communication Non Violente (CNV)», qui en fait la différence.

Depuis petit, on nous apprend à se soumettre ou à être récompensé. Lorsque j’ai décidé à l’âge de 8 ans de renverser un seau d’eau dans tout l’appartement pour patiner dessus avec des chiffons en guise de chaussures, la réaction de mes parents, vous vous en doutez, a été de me faire reconnaître mes torts. “Excuses-toi ! ».

Alors oui, je me suis excusée, mais simplement parce qu’on me l’avait demandé. Étant enfant, m’excuser pour quelque chose qui m’était amusant me semblait incompréhensible. Quand on nous demande de ressentir de la culpabilité, c’est un échec.

”C’est un langage très dangereux que d’apprendre à un enfant qu’il n’a pas d’autres choix de faire ce qu’on lui dit. Et on est construit comme ça depuis l’enfance.” Marshall Rosenberg

On nous éduque à ressentir de la culpabilité ou à être récompensé. Ce processus implique forcément un déséquilibre dans l’échange puisque l’on se retrouve en position de force ou de faiblesse. Jouer à celui qui a raison entraine soit une punition / soit une récompense sans résoudre le conflit. C’est destructeur, pour la construction de relation saine, quand on juge ou interprète sans prendre en considération l’autre. 

Comment satisfaire nos besoins ? 

C’est bien joli cette histoire de CNV, mais dans les faits, comment on fait ? Prenons l’exemple de deux collègues en désaccord : Martin et Rodrigue. Rodrigue ne s’est pas montré très présent ces derniers temps et Martin a dû gérer seul un projet important avec une deadline serrée. S’étant retrouvé seul avec sa frustration grandissante, Martin en veut aujourd’hui à Rodrigue et ne le considère plus beaucoup.

Pensant que Rodrigue est un « je-m’enfoutiste », Martin va probablement rester sur cette idée et garder sa frustration qui aura des répercussions sur leur relation professionnelle.

Les deux seules issues pour eux seront d’être soit gagnant, soit perdant. C’est ce que Marshall Rosenberg appelle des relations « Chacals » : un monde où il n’existerait que soumission ou révolte ; et donc de la violence.

C’est à ce moment là qu’il faudrait quitter le monde “Chacal” et rentrer dans le monde que Mr. Rosenberg a nommé “Girafe”. Il n’est pas question ici de faire un diagnostic de ce qu’est Rodrigue – un je-m’enfoutiste – Il est question de s’ancrer sur des faits et des besoins ; où le jugement n’aurait pas sa place.

Dans un monde “Girafe”, voici comment Martin aurait pu communiquer à Rodrigue sa frustration :
Martin : ”- Quand tu ne remplis pas le document sur lequel tu t’étais engagé, je me sens démunie, parce que j’ai besoin d’avoir confiance en mes collègues. Est-ce qu’il y a une raison particulière pour laquelle tu n’as pas pu respecter ton engagement ? ”.

On peut discerner ici les 3 premières étapes du discours qui forment la CNV :

1) Enoncer un fait

Se référer à “Une chose que fait la personne qui vous empêche d’avancer”. Il faut différencier le fait d’un jugement personnel ou d’un diagnostic. On ne peut pas savoir ce qu’il se passe dans la tête d’une autre personne, mais on peut se connecter à l’autre grâce à une observation concrète.

2) Expliquer son ressenti

Dans un deuxième temps, il faut expliquer comment on se sent lors de cette action. Il faut ici faire la différence avec des sentiments qui impliquent l’autre, et donc qui sont pleins de jugements de quelqu’un vis-à-vis de nous, ou de nous vis-à-vis de nous même. : Intimidé par / incompris / utilisé / jugé / critiqué / ignoré / blessé / trahi / culpabilisé / humilié / offensé … On parle ici de « Faux-sentiments », teintés d’interprétations (cf: La liste publiée par Spiralis).

3) Communiquer sur ses besoins insatisfaits

Dans un troisième temps, il faut communiquer sur les besoins qui ne sont pas satisfaits. Tous les besoins sont universels, si on exprime un vrai besoin, tout le monde s’y reconnait. Ce qui diffère d’un individu à l’autre, c’est la stratégie développée par la culture/nos modes de vie pour les satisfaire. Ici le besoin d’avoir confiance nous connecte à l’autre et nous éloigne de l’exigence qu’on a l’habitude de formuler en entreprise.

Il est possible qu’à la question sur la raison du blocage de Rodrique, on apprenne que des problèmes personnels affectent son sommeil et donc son efficacité au travail. Dans ce cas ci, le jugement d’être un flemmard empêcherait Rodrigue de révéler le vrai problème à Martin, et risquerait d’empirer les choses.

Un fois le problème ciblé, c’est à ce moment là qu’il faudrait terminer la résolution du conflit par la 4ème étape de la CNV :

4) La demande

Cette dernière doit respecter les critères suivants : Réalisable, concrète, précise et formulée positivement. Si cela est possible, que l’action soit faisable dans l’instant présent.

Martin pourrait dire à Rodrigue : “Etant donné que nous sommes en binôme sur le projet, tu peux compter sur moi pour t’aider en cas de problèmes mais pour cela est-ce que tu peux m’informer de tes difficultés si ça se reproduit ?”

En conclusion, lorsqu’un besoin, par exemple en entreprise, n’est pas respecté, on ne doit pas tendre à exercer un pouvoir sur les autres pour forcer le changement, mais exercer un pouvoir avec les autres en se connectant aux besoins oubliés.

Comment mettre la CNV en place dans mon entreprise

Passer d’un langage chacal qui nous est habituel à un langage girafe étouffé par des années d’évolution en entreprise, où le langage chacal est assez commun, ça ne se fait pas du jour au lendemain. Et si la méthode au-dessus serait la méthode idéale, il n’est pas toujours facile de la mettre en application.

C’est pourquoi il est possible de nommer un garant Girafe dans votre entreprise. En effet, quand les émotions prennent trop de place entre deux personnes pour qu’elles puissent ressentir de la compassion et comprendre le besoin sous le ressentiment, faire rentrer une 3ème personne (un médiateur) permet que chacun puisse être compris. Cette 3ème personne sera en charge de nommer le besoin grâce au recul qu’elle pourra apporter par sa neutralité, et de guider une conversation autour des personnes concernées ; sans jugements ou diagnostics infondés.

En parallèle on peut aussi encourager ses employés à se renseigner sur le sujet – La vidéo partagée plus bas est un bon début ! – ou encore laisser une personne connaissant le sujet le présenter au reste de l’entreprise à travers des ateliers, des présentations cas de figure, ou autre.

Enfin, une façon complémentaire à la mise en place de la CNV est de la mettre en place pour soi-même : il est très facile d’être dur avec nous-même et de se faire submerger par ses émotions.
A ce moment, mettre en place les étapes de la CNV pour soi permet de prendre du recul et de mieux comprendre ses émotions/ressentis et de se reconnecter à ses besoins fondamentaux

Source :
https://www.youtube.com/watch?v=bIjRxdN-kL8
Ressources :
https://spiralis.ca/wp-content/uploads/2019/12/2019-12-S-B-liste-V4.pdf
https://spiralis.ca/documentation-outils/

Auteur de l'article Margaux Callier Directrice artistique - Product Designer